Siniša Soćanin

Photo : Mladen Janković


Siniša Soćanin, né en 1972 à Sremska Mitrovica en Serbie, est un écrivain qui s’illustre dans la création de nouvelles, de romans, et de pièces de théâtre destinés à un public de tout âge. En 2016, sa nouvelle intitulée Première a été sélectionnée parmi les œuvres en lice pour le prestigieux prix international Lapis Histriae. Sa pièce de théâtre écologique pour enfants intitulée Les maîtres du balai, a connu un grand succès et a été la pièce la plus regardée au théâtre Dobrica Milutinovic à Sremska Mitrovica.

En 2018, Siniša Soćanin a publié son roman jeunesse Strahinja le Borné, qui a été en lice pour de nombreux prix littéraires importants destinés aux enfants et aux jeunes en Serbie.

De plus, il a à son actif deux romans destinés à un public adulte : Occicosme, publié en 2019, et La Carte du pardon, paru en 2022.

STRAHINJA LE BORNÉ

Mardi matin

C’était une matinée comme les autres, un mardi nuageux au début du printemps. En résumé, mon père m’a réveillé de mon sommeil le plus profond en allumant la lumière, en découvrant mes jambes, et en me tirant par le pied.

  • Strahinja ! Lève-toi immédiatement, fiston ! – dit-il tout excité. – Quel est ton

premier cours de la journée ?

Il m’avait encore eu. Il me jouait ce tour à chaque fois.

  • Quoi ? ai-je répondu soucieux, m’attendant à quelque chose d’important que

j’aurais complètement oublié.

  • J’en sais rien moi. C’est à toi que je le demande.
  • Papa… Ce ne sont que des mathématiques, des maths toutes bêtes… – ai-je

marmonné. – Et quand est-ce que tu vas arrêter avec ces blagues d’enfants ?

  • Premièrement, les mathématiques ne sont pas bêtes, l’univers tout entier est un

calcul mathématique. Même les artistes comme nous devraient en être conscients. Allez, l’artiste lève-toi, l’univers n’attend plus que toi ! – dit-il avant de quitter la chambre.

  • Et ensuite, papa ?
  • Quoi ?
  • Tu as dit « premièrement ». Qu’est-ce qui vient après ?
  • Je te le dirai quand tu te seras brossé les dents et habillé. Tu es en retard.
  • Moi, en retard ? Tu es le premier à te lever tous les matins, et tu passes le reste

de la journée à enchaîner les retards partout.

  • Et si tu te taisais un peu et que tu faisais ce qu’on te demande ? – dit-il. J’avais

touché la corde sensible. Il était toujours en retard où qu’il aille : au travail, en revenant à la maison, avec ses responsabilités. Il s’en plaignait souvent à la maison. « C’est ça le métier de journaliste, » avait-il l’habitude de dire, « une nouvelle n’en est plus une si elle attend. »

J’ai regardé le plafond, les petites étoiles qui se trouvaient au-dessus de mon lit depuis des années. Je devais avoir trois ans quand mon père les avait collées. Nous restions tous les trois longtemps allongés et on parlait de l’univers. C’était une époque merveilleuse. Je m’en souviens encore comme d’une enfance magique. À cette époque, le plafond représentait l’univers tout entier, et je prenais les moustiques pour des vaisseaux spatiaux dans lesquels je partais à l’aventure avec des extraterrestres. Puis je suis entré en sixième, j’ai eu mes premiers boutons sur le visage, et l’univers s’est étrangement transformé en un calcul mathématique.

Et une autre scène matinale typique s’en est suivie : en titubant dans le couloir, je me suis arrêté et j’ai regardé leur chambre.

  • Ne regarde pas ! – dit papa. – Je vais embrasser ta mère sur la bouche.

Je suis parti dans la salle de bain avec dégoût.

Traduit du serbe par Đorđe Gavrić

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