
Photo : Dalibor Danilović
VERA PAVLADOLJSKA
La rusée voulait me surprendre
La lune au mois d’août se remplissait comme une flaque
Des arcs-en-ciel vifs s’élançaient au-dessus des lacs et des têtes
Sur les chantiers de mines de bauxite
Je prêchais à des inconnus
En ton nom
Vera Pavladoljska.
Les oiseaux ivres étaient perdus dans le ciel
La caille fonçait vers les airs
La conscience s’obombrait près des falaises
Pourchassé par des meules, des rochers et la lèpre
Enlisé jusqu’au cou dans les sables mouvants, je me souvenais
Combien tu m’aimais
Vera Pavladoljska.
Dans l’obscurité, l’obscur brillait comme un animal
Le tonnerre grondait derrière les collines
Je cherchais l’attention des ouvriers
J’admirais leur appétit colossal
Je maudissais un jeune sourd-muet
Pour qu’il prononce ton nom
Vera Pavladoljska.
Toute la journée, la lune s’était consumée dans le ciel
Recyclait ses cendres sous un faux nom
Dans l’obscurité parmi ses doubles
Alors que la musique introduisait de la neige dans les oreilles
Je jurais sur mes deux mains, surtout la droite
Que je ne t’aimais pas
Vera Pavladoljska.
Je courtisais une inconnue
Dans le canyon de la Tara près de Kolašin
Je disais des vérités dans toutes les langues
Racontais monts et merveilles pour qu’elle y croie
Pendant qu’elle était silencieuse, je me suis souvenu
Que tu avais cru à mes mensonges les plus fous
Vera Pavladoljska.
Un rossignol chantait avec la gorge d’un rouge-gorge
Tout dans ce monde me faisait penser à toi
Je me vantais que tu étais folle de moi
Que toute la plage te courtisait en vain
Que j’essayais de te faire sortir de ma tête
Mais que tu ne voulais pas
Vera Pavladoljska.
Ô tour de braises sous les yeux d’un aveugle
L’étoile contagieuse est libre de tout imaginer
Jusqu’à ce que mon parachute s’ouvre
Et alors que je chutais dans l’abîme natal
On racontait que je t’appelais de vive voix
Mais je ne l’admettais pas
Vera Pavladoljska.
Je plongeais au plus profond, fuyais dans les montagnes
Pour t’invoquer sans que personne n’entende
Superstitieux que j’étais – je demandais aux passants
La forme de ton visage
Je mourais d’envie de te voir passer près de moi toute la journée
Sans que je ne me retourne
Vera Pavladoljska.
Un courant d’air d’amour entre deux étoiles
L’épieur invisible a quelque chose à redire
La soif d’eau-de-vie est semblable à un fantasme
Dans un camion pelletant la neige en plein été
Des lèvres de femmes analphabètes
Semblables aux tiennes
Vera Pavladoljska.
Lors des tempêtes, je pêchais avec les mains
Le miel des méridiens d’or dans l’eau
Je décrivais les yeux d’une femme pendant un mois
Dans les trains sans files d’attente, de nombreuses passagères
Par moi persuadées d’être tout ce que j’avais sur cette terre
Tandis que je pensais à toi
Vera Pavladoljska.
Une balle perdue vient à ma rencontre
Elle me cherche désormais à tort dans tout le pays
Attirée par l’aimant secret de mon front
Elle enivre la lune pour révéler ma cachette
Abuse des mers, goûte l’air et le soudoie
Tu vas me trahir
Vera Pavladoljska.
La biographie monotone du soleil se poursuivait
Toutes les ampoules étaient allumées au beau milieu de la journée
Les typographes étaient heureux alors qu’ils composaient ce poème
L’air ne voyait pas qu’il se tirait une balle dans le pied
Un des sternes était sujet aux vices
Les deux vents parlaient dans ton dos
Plusieurs pays veulent s’accaparer ton nom
Dont tu es jalouse
Les câblogrammes s’effacent dans les profondeurs de l’eau
Personne ne sait où sont les lettres de ton nom
Dans les langues mortes et mensongères aux mauvais accents
Dans le manuscrit des étoiles flottant sur une eau seule
Qui se saisira de l’éclat des voyelles
Que chante l’oiseau
Vera Pavladoljska.
Traduit du serbe par Zivko Vlahovic