Matija Bećković

Photo : Dalibor Danilović

VERA PAVLADOLJSKA

La rusée voulait me surprendre

La lune au mois d’août se remplissait comme une flaque

Des arcs-en-ciel vifs s’élançaient au-dessus des lacs et des têtes

Sur les chantiers de mines de bauxite

Je prêchais à des inconnus

En ton nom

Vera Pavladoljska.

Les oiseaux ivres étaient perdus dans le ciel

La caille fonçait vers les airs

La conscience s’obombrait près des falaises

Pourchassé par des meules, des rochers et la lèpre

Enlisé jusqu’au cou dans les sables mouvants, je me souvenais

Combien tu m’aimais

Vera Pavladoljska.

Dans l’obscurité, l’obscur brillait comme un animal

Le tonnerre grondait derrière les collines

Je cherchais l’attention des ouvriers

J’admirais leur appétit colossal

Je maudissais un jeune sourd-muet

Pour qu’il prononce ton nom

Vera Pavladoljska.

Toute la journée, la lune s’était consumée dans le ciel

Recyclait ses cendres sous un faux nom

Dans l’obscurité parmi ses doubles

Alors que la musique introduisait de la neige dans les oreilles

Je jurais sur mes deux mains, surtout la droite

Que je ne t’aimais pas

Vera Pavladoljska.

Je courtisais une inconnue

Dans le canyon de la Tara près de Kolašin

Je disais des vérités dans toutes les langues

Racontais monts et merveilles pour qu’elle y croie

Pendant qu’elle était silencieuse, je me suis souvenu

Que tu avais cru à mes mensonges les plus fous

Vera Pavladoljska.

Un rossignol chantait avec la gorge d’un rouge-gorge

Tout dans ce monde me faisait penser à toi

Je me vantais que tu étais folle de moi

Que toute la plage te courtisait en vain

Que j’essayais de te faire sortir de ma tête

Mais que tu ne voulais pas

Vera Pavladoljska.

Ô tour de braises sous les yeux d’un aveugle

L’étoile contagieuse est libre de tout imaginer

Jusqu’à ce que mon parachute s’ouvre

Et alors que je chutais dans l’abîme natal

On racontait que je t’appelais de vive voix

Mais je ne l’admettais pas

Vera Pavladoljska.

Je plongeais au plus profond, fuyais dans les montagnes

Pour t’invoquer sans que personne n’entende

Superstitieux que j’étais – je demandais aux passants

La forme de ton visage

Je mourais d’envie de te voir passer près de moi toute la journée

Sans que je ne me retourne

Vera Pavladoljska.

Un courant d’air d’amour entre deux étoiles

L’épieur invisible a quelque chose à redire

La soif d’eau-de-vie est semblable à un fantasme

Dans un camion pelletant la neige en plein été

Des lèvres de femmes analphabètes

Semblables aux tiennes

Vera Pavladoljska.

Lors des tempêtes, je pêchais avec les mains

Le miel des méridiens d’or dans l’eau

Je décrivais les yeux d’une femme pendant un mois

Dans les trains sans files d’attente, de nombreuses passagères

Par moi persuadées d’être tout ce que j’avais sur cette terre

Tandis que je pensais à toi

Vera Pavladoljska.

Une balle perdue vient à ma rencontre

Elle me cherche désormais à tort dans tout le pays

Attirée par l’aimant secret de mon front

Elle enivre la lune pour révéler ma cachette

Abuse des mers, goûte l’air et le soudoie

Tu vas me trahir

Vera Pavladoljska.

La biographie monotone du soleil se poursuivait

Toutes les ampoules étaient allumées au beau milieu de la journée

Les typographes étaient heureux alors qu’ils composaient ce poème

L’air ne voyait pas qu’il se tirait une balle dans le pied

Un des sternes était sujet aux vices

Les deux vents parlaient dans ton dos

Plusieurs pays veulent s’accaparer ton nom

Dont tu es jalouse

Les câblogrammes s’effacent dans les profondeurs de l’eau

Personne ne sait où sont les lettres de ton nom

Dans les langues mortes et mensongères aux mauvais accents

Dans le manuscrit des étoiles flottant sur une eau seule

Qui se saisira de l’éclat des voyelles

Que chante l’oiseau

Vera Pavladoljska.

Traduit du serbe par Zivko Vlahovic

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